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Capitaux propres inférieurs à la moitié du capital social: plus de dissolution encourue en l’absence de reconstitution sous 2 ans, mais une obligation de réduction de capital dans un délai complémentaire de 2 ans !

Nul n’ignore que la réalisation par une société de pertes conduisant les capitaux propres à devenir inférieurs à la moitié du capital social engendre l’obligation de statuer sur la dissolution anticipée et amiable de la société et, à défaut, impose la reconstitution des capitaux propres à hauteur d’une valeur au moins égale à la moitié du capital social, dans un délai de 2 ans, sous peine d’encourir la dissolution à la demande de tout intéressé (art. L. 223-42 et L. 225-248 C. Com).

Même si, en pratique, les hypothèses où un tiers sollicite la dissolution d’une société au motif que les capitaux propres n’ont pas été reconstitués à concurrence d’une valeur au moins égale à la moitié du capital social sont rares, les difficultés économiques induites par l’épidémie Covid-19 d’une part et le conflit en Ukraine d’autre part ont conduit de nombreuses sociétés à des niveaux de fonds propres inférieurs à la moitié du capital social et exposent de nombreuses sociétés à l’impossibilité de reconstituer sous 2 ans un niveau de capitaux propres conformes à cette réglementation, donc au risque de dissolution sollicitée par un tiers auprès des juridictions.

La loi du 9 mars 2023 (n°2023-171), en son article 14, assouplit la réglementation applicable en modifiant les articles L. 223-42 (SARL) et L. 225-248 du Code de commerce (SA et SAS), en permettant aux sociétés dont le capital social est supérieur aux seuils fixés par le décret n°2023-657 du 25 juillet 2023, dont les capitaux propres sont devenus inférieurs à la moitié du capital social et qui n’ont pas reconstitué leurs fonds propres à hauteur de la moitié du capital social, d’éviter d’encourir la dissolution à la demande d’un tiers, sous réserve que dans un délai supplémentaire de 2 ans, elles réduisent leur capital social à un niveau inférieur ou égal au montant fixé par le décret précité.

Pour mieux cerner cette évolution législative, la réglementation précédemment applicable sera rappelée (I) avant de s’appesantir sur la nouvelle réglementation applicable (II).

 

I- Le régime applicable antérieurement à la loi du 9 mars 2023

Dès lors qu’une société ayant subi des pertes voyait ses capitaux propres devenir inférieurs à la moitié du capital social, les associés étaient tenus de décider dans les quatre mois suivant l’approbation des comptes s’ils souhaitaient dissoudre ou non la société.

En l’absence de dissolution immédiate, la société disposait d’un délai de 2 ans pour régulariser la situation et reconstituer ses capitaux propres au moins à hauteur de la moitié du capital social.

La société avait donc un délai de 2 ans maximum pour :

  • Reconstituer les capitaux propres à hauteur d’au-moins la moitié du capital social (via une augmentation de capital ou via la réalisation de résultats bénéficiaires),
  • Réduire le capital permettant que les capitaux propres soient à hauteur d’au-moins la moitié du capital social,
  • Dissoudre volontairement la société.

En l’absence de délibération dans les 4 mois de l’approbation des comptes faisant apparaître des capitaux propres inférieurs à la moitié du capital social sur la dissolution anticipée de la société et / ou de reconstitution dans le délai de 2 ans prévu par les articles L.223-42 (SARL) et L.225-248 (SA et SAS) du Code de commerce des capitaux propres à un niveau au moins égal à la moitié du capital social, tout intéressé pouvait demander judiciairement la dissolution de la société.

 

II- Le régime applicable depuis la loi du 9 mars 2023

L’article 14 de la loi n°2023-171 du 9 mars 2023 vient modifier les articles L.223-42 (SARL) et L.225-248 (SA et SAS) du Code de commerce relatif à la procédure de dissolution des sociétés dont les capitaux propres restent inférieurs à la moitié du capital social pendant plus de 2 ans.

Lesdits articles, dans leur version modifiée par l’article 14 de la loi n°2023-171 prévoient désormais que: 

« Si, avant l’échéance mentionnée au deuxième alinéa du présent article, les capitaux propres de la société n’ont pas été reconstitués à concurrence d’une valeur au moins égale à la moitié du capital social alors que le capital social de la société est supérieur à un seuil fixé par décret en Conseil d’Etat en fonction de la taille de son bilan, la société est tenue, au plus tard à la clôture du deuxième exercice suivant cette échéance, de réduire son capital social pour le ramener à une valeur inférieure ou égale à ce seuil. »

Le législateur vient donc adoucir la réglementation française afin de la mettre en conformité avec la législation européenne et notamment avec la Directive n°2017/1132 du 14 juin 2017.

Les sociétés dont les capitaux propres deviennent inférieurs à la moitié du capital social ont toujours l’obligation de délibérer sur la dissolution anticipée amiable de la société, dans les 4 mois de l’approbation des comptes annuels faisant apparaître des capitaux propres inférieurs à la moitié du capital social (alinéa 1er).

A défaut, tout tiers peut demander en justice la dissolution de la société (alinéa 6).

En l’absence de dissolution anticipée décidée, la société a l’obligation de reconstituer ses capitaux propres à hauteur d’un montant au moins égal à la moitié du capital social ou de réduire son capital social, dans un délai de 2 ans (alinéa 2).

Dans tous les cas, la décision prise par les associés doit être mentionnée sur l’extrait K-bis de la société (alinéa 3).

Si au terme du délai de 2 ans, les capitaux propres sont reconstitués, la société est en conformité.

A défaut et c’est la nouveauté, sous réserve que la société dispose d’un capital social d’un montant supérieur à celui fixé par décret en Conseil d’Etat, en fonction de la taille de son bilan, la société doit réduire son capital social à un niveau inférieur ou égal au montant fixé par décret en Conseil d’Etat, dans un délai de 2 ans qui court à compter de l’expiration du délai de 2 ans pour reconstituer les capitaux propres à un niveau au moins égal à la moitié du capital social (alinéa 4).

Si au terme de ce nouveau délai de 2 ans, la réduction du capital n’est pas intervenue, tout tiers peut demander en justice la dissolution de la société (alinéa 6).

La nouvelle réglementation n’expose donc plus les sociétés dont le capital social est d’un montant supérieur à celui fixé par le décret n°2023-657 du 25 juillet 2023, en fonction de la taille de son bilan, qui n’ont pas reconstitué sous 2 ans les capitaux propres à un niveau au moins égal à la moitié du capital social, à la dissolution sollicitée en justice par un tiers, mais impose à ces sociétés la réduction du capital social à un niveau inférieur ou égal au montant fixé par décret en Conseil d’Etat, dans un délai complémentaire de 2 ans, à défaut de quoi elles encourent la dissolution à la demande de tout tiers.

Le décret d’application du 25 juillet 2023 a fixé les seuils suivants :

  • Pour les SARL et SAS : ce seuil est égal à 1% du total du bilan de la société lors de la dernière clôture d’exercice.
  • Pour les SA : il est égal à la valeur la plus élevée entre 1 % du total du bilan de la société, constaté lors de la dernière clôture d’exercice, et 37.000 € (montant minimal de capital social pour les SA).

La dissolution de la société n’est donc encourue que dans 2 hypothèses :

  • Si les associés ne sont pas appelés à voter sur la dissolution anticipée ou la reconstitution des capitaux propres sous 2 ans, dans les 4 mois de l’approbation des comptes faisant apparaître des capitaux propres inférieurs à la moitié du capital social,
  • Si dans les 2 ans suivant le délai de reconstitution des capitaux propres, la société n’a pas réduit son capital social à une valeur inférieure ou égale au montant désormais fixé par le décret n°2023-657 du 25 juillet 2023.

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Rappelons, enfin, que comme précédemment, cette réglementation n’est pas applicable aux sociétés en sauvegarde ou en redressement judiciaire ou en plan de sauvegarde ou en plan de redressement.

 

Evanna IENTILE