La procédure de vérification du passif tend à déterminer le montant dû par le débiteur au titre de chaque créance déclarée entre les mains du mandataire judiciaire. Elle relève du Juge-Commissaire (L. 624-2 et suivants du Code de commerce) et constitue une instance indivisible entre le créancier, le débiteur et le mandataire judiciaire ou liquidateur judiciaire.
Si la demande d’admission est recevable, le Juge-Commissaire peut admettre ou rejeter la créance ou constater l’existence d’une instance en cours ou que la contestation ne relève pas de sa compétence (L. 624-2 C. Com.).
Au sein de sa compétence, si la contestation opposée à la demande d’admission est sérieuse, le Juge-Commissaire doit renvoyer, par ordonnance spécialement motivée, les parties à mieux se pourvoir et inviter, selon le cas, le créancier, le débiteur ou le mandataire judiciaire à saisir la juridiction compétente dans un délai d’un mois à compter de la notification ou de la réception de l’avis délivré à cette fin, à peine de forclusion (R. 624-5 C. Com.).
L’arrêt du 14 juin 2023 (Cass. Com., 14 juin 2023, n°21-24.458) précise utilement l’hypothèse où le créancier omet de délivrer son assignation à l’une des parties à l’instance en vérification de la créance, en l’espèce le débiteur, dans le délai d’un mois prévu par l’article R. 624-5 du Code de commerce.
I. L’instance en vérification d’une créance : une instance indivisible entre le créancier, le débiteur et le mandataire judiciaire
1°/ La vérification du passif est un processus qui met en présence trois parties : le créancier, le débiteur et le mandataire judiciaire. Le Juge-Commissaire ne peut statuer sur une créance contestée qu’en présence des trois parties. Il s’agit d’une instance dite indivisible. La Cour de Cassation a eu, plusieurs, fois l’occasion de qualifier l’instance en vérification d’une créance, d’instance indivisible, notamment lorsqu’elle a dû statuer sur des hypothèses d’appels formés par le débiteur ou le créancier dirigés exclusivement à l’encontre du mandataire judiciaire ou du liquidateur judiciaire (Cass. Com., 29 septembre 2015, n°14-13257).
2°/ Dans sa décision du 14 juin 2023, la Cour de Cassation rappelle très clairement que l’instance en vérification des créances est une instance indivisible entre le créancier, le débiteur et le mandataire judiciaire ou le liquidateur judiciaire. Elle précise que la saisine de la juridiction compétente, sur invitation du Juge-Commissaire, en application des articles L. 624-2 et R. 624-5 du Code de commerce s’inscrit dans cette procédure dont elle emprunte donc les caractéristiques, à savoir l’indivisibilité. Elle en conclut que la partie qui saisi la juridiction compétente doit mettre en cause les deux autres parties.
On observera que la Cour de Cassation avait déjà eu l’occasion de préciser que la saisine de la juridiction compétente au visa de l’article R. 624-5 du Code de commerce constitue la suite et le prolongement de l’instance en vérification d’une créance qui est indivisible (Cass. Com., 5 septembre 2018, n°17-15.978).
3°/ En l’espèce, le créancier avait été invité par le Juge-Commissaire, à saisir la juridiction compétente, en application de l’article R. 624-5 du Code de commerce. Dans le délai d’un mois de la notification de l’ordonnance, le créancier avait assigné le mandataire judiciaire, mais avait omis de mettre en cause le débiteur. Cette omission avait été régularisée par le créancier, mais postérieurement à l’expiration du délai prévu par l’article R. 624-5 du Code de commerce. Le mandataire judiciaire soutenait, en conséquence, que l’action du créancier était forclose, en application de l’article R. 624-5 du Code de commerce, motif pris qu’il serait indispensable d’assigner l’ensemble des parties à l’instance dans le mois de la notification de l’ordonnance du Juge-Commissaire. La Cour d’Appel ayant rejeté ce moyen, le mandataire judiciaire a formé un pourvoi.
II. Les effets de l’indivisibilité
1°/ En matière d’appel et d’indivisibilité, l’article 553 du Code de procédure civile précise que l’appel formé contre une partie n’est recevable que si toutes sont appelées à l’instance et l’article 552 alinéa 2 du Code de procédure civile précise que l’appel dirigé contre l’une des parties réserve à l’appelant la faculté d’appeler les autres à l’instance.
C’est sur ces fondements que la Cour de Cassation retient que si l’appel initial n’intime qu’une seule partie, l’appelant peut appeler les parties « manquantes », même postérieurement à l’expiration du délai d’appel, par une nouvelle déclaration d’appel intimant les parties initialement omises (Cass. Com., 9 juillet 2019, n°18-17799).
2°/ Aucune disposition analogue n’existe au titre de la procédure de première instance, les seules autres références à l’indivisibilité contenue dans le Code de procédure civile étant relatives à la tierce opposition ou au pourvoi en cassation.
C’est pourtant le régime de l’indivisibilité que la Cour de Cassation applique au litige dont elle était saisi.
3°/ La Chambre Commerciale relève que le créancier, invité à saisir la juridiction compétente, n’a assigné que le mandataire judiciaire, dans le délai prévu par l’article R. 624-5 du Code de commerce, à l’exclusion du débiteur et que la mise en cause du débiteur est intervenue postérieurement à l’expiration du délai d’un mois, par voie d’assignation. La Cour de Cassation écarte toute forclusion sur le fondement de l’indivisibilité et rejette le pourvoi en cassation du mandataire judiciaire, en précisant que la saisine de la juridiction compétente étant intervenue dans le délai d’un mois, le créancier avait la faculté d’appeler les parties omises après l’expiration du délai jusqu’à ce que le juge statue.
La procédure a donc été valablement régularisée par l’assignation délivrée par le créancier au débiteur postérieurement à l’expiration du délai prévu par l’article R. 624-5 du Code de commerce, compte tenu de l’indivisibilité de l’instance en matière de vérification de créances.
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L’indivisibilité, souvent considérée comme piégeuse pour les parties, peut donc s’avérer protectrice et propice à la régularisation d’éventuelles omissions.
Charles CROZE