L’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire implique, en principe, la désignation d’un administrateur judiciaire dont la mission est d’assister ou de représenter le débiteur (L. 631-12 C. Com.).
La mission d’assistance est la plus courante. Elle impose l’intervention conjointe du débiteur et de l’administrateur judiciaire sur les actes qui ne relèvent pas de la gestion courante.
En matière de droit du travail, durant la période d’observation du redressement judiciaire, nul n’ignore que les licenciements pour motif économique sont soumis à des règles spécifiques (L. 631-17 C. Com.) qui imposent l’autorisation du Juge-Commissaire et l’intervention de l’administrateur judiciaire.
S’agissant des licenciements pour motif personnel, notamment les licenciements disciplinaires, intervenant durant la période d’observation du redressement judiciaire, la Cour de Cassation précise que l’intervention de l’administrateur judiciaire investi d’une mission d’assistance s’impose (I) et qu’à défaut le licenciement est inopposable à la procédure collective… sauf ratification par l’administrateur judiciaire ou le liquidateur judiciaire (II).
I- Le licenciement pour motif disciplinaire n’est pas un acte de gestion courante
1°/ En l’espèce, une société avait été placée en redressement judiciaire. Durant la période d’observation, un salarié est licencié pour faute grave.
L’administrateur judiciaire désigné et investi d’une mission d’assistance n’était pas intervenu à la procédure de licenciement.
Un contentieux prud’homal est né et la problématique de l’absence d’intervention de l’administrateur judiciaire est évoquée.
2°/ La Cour de Cassation rappelle que le licenciement pour motif disciplinaire n’est pas un acte de gestion courante et qu’en conséquence il était nécessaire que l’administrateur judiciaire, investi d’une mission d’assistance, intervienne aux côtés du débiteur dans le cadre de la procédure de licenciement.
Cette analyse est conforme à la jurisprudence passée (Cass. Soc., 8 décembre 2016, n°15-19172).
II- L’inopposabilité du licenciement à la procédure collective… sauf ratification par l’administrateur judiciaire ou le liquidateur judiciaire
1°/ A défaut d’assistance de l’administrateur judiciaire dans le cadre du licenciement pour motif disciplinaire, le licenciement est inopposable à la procédure collective et à l’AGS.
Concrètement, cela implique que le salarié licencié ne peut opposer à la procédure collective les conséquences indemnitaires éventuelles des irrégularités du licenciement et ne peut obtenir, à supposer existantes les irrégularités, une quelconque avance par l’AGS des dommages et intérêts qui pourraient être reconnus par les juridictions sociales.
En l’espèce, la Cour de Cassation rappelle ce principe d’inopposabilité, dans la droite ligne de sa jurisprudence antérieure (Cass. Soc., 8 décembre 2016, n°15-19172).
2°/ Ce n’est que dans l’hypothèse d’une ratification éventuelle du licenciement par l’administrateur judiciaire ou le liquidateur judiciaire que la rupture du contrat de travail redevient opposable à la procédure collective et à l’AGS.
Rares sont les hypothèses où un administrateur judiciaire ou un liquidateur judiciaire ratifie, a posteriori, un licenciement notifié initialement par le seul débiteur dans la mesure où, d’une part, ils n’ont pas la garantie de la régularité et du bienfondé de la procédure mise en œuvre, d’autre part, ils exposeraient la procédure collective à un accroissement potentiel du passif contraire à la sauvegarde des intérêts du débiteur et / ou des créanciers.
En l’espèce, la Cour de Cassation retient que le liquidateur judiciaire a ratifié, implicitement et a posteriori, le licenciement en ne se prévalant pas de l’inopposabilité du licenciement dans le cadre du contentieux. En conséquence, la Cour de Cassation conclut que le licenciement est opposable à la procédure collective et à l’AGS.
On observera que la notion de ratification implicite a posteriori d’actes passés au mépris des règles de répartition des pouvoirs entre débiteur et organes de la procédure collective a déjà été retenue par la jurisprudence, lorsque l’administrateur judiciaire ou le mandataire judiciaire par son attitude témoigne clairement de sa position (Cass. Com., 19 mai 2021, n°19-23877).
Pour autant, elle n’avait encore jamais résulté d’un comportement « passif » consistant à ne pas invoquer un moyen de droit dans le cade d’un contentieux.
Nul doute qu’après cette décision, tant les administrateurs judiciaires que les liquidateurs judiciaires veilleront à invoquer systématiquement ce moyen de droit afin d’éviter l’augmentation du passif au détriment du débiteur et / ou des créanciers.
Charles CROZE